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Mes lectures, et histoires d'écrits
7 décembre 2010

Archives (8) - GALLAY, Claudie: "Dans l'or du temps"

Fin mai 2006:

dans_l_or_du_temps

GALLAY, Claudie : « Dans l’or du temps », 2006, Rodez, Éditions du Rouergue.

Cité dans Lire de ce mois-ci, ce livre n’avait curieusement droit qu’à deux étoiles, mais une page entière du magazine, qu’il partageait certes avec un autre livre un peu plus ancien de la même auteure. Plusieurs histoires s’y entre-croisent, liées entre elles par l’un ou l’autre personnage. Ainsi, on rencontre le narrateur (dont on ne connaîtra jamais le nom) qui vient à la mer - dans sa maison de Normandie - avec sa femme et leurs deux filles ; on sent qu’il ne sait pas trop comment s’y prendre avec les filles, même si dans le fonds il les aime, et par ailleurs il ne cesse de s’éloigner de sa femme, sans parvenir jamais à faire le pas décisif de la quitter. C’est elle qui partira. Il rencontre par hasard la vieille Alice, qui elle comprend très vite que, même sans les cris et les disputes, ça ne va pas très bien dans le couple de cet homme tellement plus jeune qu’elle... mais on découvrira au fil des pages qu’elle ne supporte pas l’idée même du couple !

Cette Alice lui livre peu à peu sa propre histoire, son exil aux États-Unis pendant la deuxième guerre, avec son père le photographe Berthier et d’autres intellectuels français  qui ne reviendront en France qu’après la guerre, comme par exemple André Breton, qui semble par moments la clé de voûte de ce roman : sa vie y semble parfois plus importante que celle des « héros » du roman, on cite des extraits de ses écrits, et c’est de lui que vient indirectement le titre, lui qui avait fait écrire sur son faire-part de décès : « Je cherche l’or du temps ».

Et par-dessus tout cela, comme bien plus important, bien plus dramatique, il y a des bribes d’histoire des Indiens Hopi de l’Arizona, que le père d’Alice et André Breton avaient aimé alors, mais sans tout le respect dû, puisqu’ils avaient rapporté en France des statuettes et masques qu’ils n’auraient même jamais dû demandé d’acheter à ces Indiens, tant c’était sacré pour eux. Quand l’auteure évoque cela, elle détourne l’attention du lecteur en faisant une corrélation qui me laisse encore songeuse : la valeur d’un objet sacré pour un peuple peut en valoir tout autant pour un autre peuple qui l’aura trouvé Beau. Bon, bien sûr, j’interprète, mais c’est cela que j’ai compris... Ce n’est d’ailleurs pas là le propos principal ; il en va bien davantage de la misère de ces Indiens (une « justification » qui expliquerait la dilapidation de leur héritage sacré ?), la « civilisation » forcée qu’ils ont subie de la part des autorités américaines, la collaboration avide de certains et la résistance parfois absurde d’autres.

Et comme rien n’est simple, l’auteure ajoute encore le double drame qui fait que ce roman est bien un roman, et pas juste la narration anthropologique des découvertes d’André Breton vu par un type dont le couple dérive ! Mais ce double drame, qui par moments est très palpable même si on ne devine pas du tout de quoi il peut s’agir, ne sera révélé que très tardivement. C’est le viol d’Alice, alors encore toute jeune, par un Indien aviné dans le village Hopi, alors que son père l’avait momentanément abandonnée pour aller mener à bien cette transaction interdite d’achat d’un masque sacré ; et quelques années plus tard, au retour en France, la mort du père d’Alice, emporté par la mer trop forte lors d’une sortie dans les rochers, et où Alice s’est trouvée incapable de lui venir en aide quand il en était encore temps, tout à coup engluée qu’elle était dans le souvenir du viol et de la main que son père non plus n’avait pas su lui tendre alors.

Pour le reste, Lire avait prévenu : le style de Claudie Gallay est plutôt dépouillé, comme si elle avait peur des mots, et plein de silences (de nouveau, j’interprète en partie, je préfère préciser). Elle écrit en effet des phrases très courtes, et presque tout est suggéré. J’ai appris je ne sais plus très bien où qu’il y a toujours une part de suggestion dans un roman ; si on dit tout au lecteur, il finit par se lasser, il faut le laisser tirer ses conclusions de loin en loin, quitte à les lui confirmer de façon détournée plus tard dans le livre. Mais ici, Claudie Gallay ne fait que suggérer. Ca ne rend pas le roman plus lourd qu’un autre... mais paradoxalement, il se fait parfois lassant justement, comme si tant l’excès que le manque de suggestions donnait le même résultat ! A vrai dire, pour moi qui aime qu’on me raconte une histoire, et c’est toujours cet aspect des choses qui fera que j’accroche ou non à un roman (et peut-être une raison pour laquelle j’aime de mieux en mieux les policiers, en tout cas certains), ici c’est vraiment limite. Ce sont davantage le fait qu’il y avait plusieurs histoires en une, et toute ces références culturelles bien intéressantes, qui ont su gardé mon intérêt en éveil, pas tant le style de l’auteure, qu’elle devrait peut-être un tout petit peu plus étoffer. Oh ! pas grand-chose, juste de quoi devenir réellement passionnante.

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